L’homme de Bamako :
Seydou Keïta est né en 1921 à Bamako au Mali où il vivra et travaillera toute sa vie avant de décéder en 2001 à Paris, et sa mort a ouvert le bal des conflits posthumes sur la paternité de son patrimoine photographique que se disputent trois agents français. En effet les propres enfants du photographe ne détenaient aucune pellicule. Regroupés en association, ses enfants vivants tentent eux aussi de récupérer l’héritage paternel, ainsi qu’un millier de négatifs disparus dans la nature. Aujourd’hui IPM dispose, à titre exclusif pour le monde entier, des droits d’exploitation sur l’ensemble de l’œuvre photographique de Seydou Keïta. Elle assure la conservation et la promotion de ce patrimoine artistique unique, s’attachant à prolonger son héritage au travers de livres et d’expositions en collaboration avec les plus grands musées et collections du monde entier.
Portraitiste autodidacte en vogue à Bamako, dans la jeune société africaine moderne des années 50, c’est en 1935 qu’il se découvre une attirance pour la photographie lorsque son oncle, de retour d’un séjour au Sénégal, lui rapporte un Kodak Brownie Flash. Pour vivre, il est ébéniste, mais dès qu’il a du temps libre, il court chez Pierre Garnier ou Mountaga Kouyaté, des photographes professionnels qui possèdent un studio, et qui lui montrent les rudiments du métier. En parallèle il apprend les techniques photographiques en s’amusant à prendre sa famille et ses proches en photo. Il ouvre son premier atelier en 1948 à Bamako. Très vite ses photographies connaissent un grand succès et feront de lui le portraitiste le plus apprécié de Bamako.
Son style :
Ce sont ses exigences de qualité et son sens de l’esthétique qui forgeront son style et son succès. Il déclara d’ailleurs à ce propos : « C’est facile de prendre une photo, mais ce qui faisait réellement la différence c’est que je savais toujours trouver la bonne position, je ne me trompais jamais. Têtes légèrement tournées, regard, visage sérieux, position des mains… J’étais capable d’embellir quelqu’un. A l’arrivée, la photo était très belle. C’est pourquoi je dis que la photographie est un art. » De ses portraits se dégage une clarté et une netteté incroyable, on remarque également un sens du détail et de l’esthétisme exacerbé, de plus, l’ambiance solaire fait de ses clichés, des images dignes du milieu de la mode. Par ailleurs son appartenance à la communauté qu’il photographie permet une identification de ses clients. La société malienne de l’époque se sentait plus intimidée devant un photographe blanc tandis que chez Seydou elle était chez elle. On pose seul, en couple, en famille, en groupe, entre amis, cadrés en buste trois quart, ou de plain pieds, presque toujours positionné par Keita lui-même qui voulait donner à ses clients leur plus belle image.
En plus de cette proximité, il y a également le jeu de rôles qu’il offre par les costumes et la profusion d’accessoires qu’il fournit et qui aident chacun à se composer une image unique pour la séance. Cela plaît énormément parce que presque personne ne peut s’offrir ce genre de vêtements ou d’objets occidentaux. Ainsi les clients pouvaient se faire photographier avec des vêtements chics, des chapeaux et des accessoires (bijoux, stylos, montres, fleurs...), presque chaque image est agrémentée d’attributs du sujet. Mais cela ne s’arrêtait pas aux seuls menus objets, il disposait également de radios, de vélos, de scooters, de voitures qu’il mettait à leur disposition de ses modèles. Ainsi, son studio devient un lieu hors du temps, où les gens se transforment à loisir en acteur, en militaire ou en dandy. Les arrières plans de son studio sont des tentures unies ou à motifs qui restent de un à trois ans durant, ce qui a d’ailleurs permis par la suite de dater ses clichés.
Une consécration tardive en Europe :
De 1949 à 1962, Seydou photographiera le tout Bamako, et sa renommée s’étendra au Mali tout entier, puis à l’Afrique de l’Ouest. Artisan photographe, il se spécialise dans le portrait qu’il réalise sur commande, il travaille à la lumière naturelle pour des raisons économiques, son studio étant dans sa cour, et il ne prend qu’un seul et unique cliché en noir et blanc. Techniquement, il utilise une chambre photographique 13 x 18. Ce format lui permet de fournir des tirages par contact de grande qualité optique sans perte de finesse car sans avoir recours à l’agrandisseur. C’est ce même matériel qui a servi par la suite lors de ses expositions en Europe. D’ailleurs il a été découvert assez tardivement par l’occident ; il a été exposé en 1994 à la fondation Cartier parisienne, suivie de nombreuses autres dans divers musées, fondations et galeries du monde entier. Ainsi il expose aux Rencontres photographiques d’Arles, à la Biennale internationale de la photo de Bamako ou au Guggenheim de New-York en 1996… Il arrêtera la photographie quand la photo en couleurs commencera à prendre le dessus. « Les gens aiment ça mais ce sont les machines qui font tout le travail. De nos jours beaucoup de gens se déclarent photographes, mais ils ne savent rien. »Les photographies de Seydou constituent un témoignage exceptionnel de la société malienne de la fin des années 1940 à 1977. Il est aujourd’hui unanimement reconnu comme le père de la photographie africaine et l’un des plus grands photographes du 20è siècle.
Vous pouvez découvrir une partie de son travail sur http://www.seydoukeitaphotographer.com/fr/