Qui est Martin ?
Martin Roemers, photographe néerlandais est né en 1962, il a étudié la photographie à l'Académie des Arts de Enschede aux Pays-Bas. Il travaille toujours sur le long terme --voire le très long terme-- sur des projets réfléchis où il mêle une profonde réflexion sociale, une méthodologie étudiée et des moyens précis adaptés afin d’arriver à démontrer par l’image ce qu’il s’est fixé. Ses travaux ont été largement exposés et récompensés à travers le monde. Vous trouverez sur son site un aperçu de son travail : http://www.martinroemers.com/ J’ai choisi de vous présenter le travail de Roemers à travers l’un de ses nombreux projets car celui-ci est en noir et blanc. Vous allez voir que l’analyse de la démarche et de la technique utilisée va nous en apprendre beaucoup sur son compte.
Les yeux de la guerre :
Dans son projet « Eyes of War » Martin Roemers illustre l’une des nombreuses conséquences de la guerre à travers une série remarquable de 40 portraits d’anciens combattants devenus aveugles. Nous le verrons tout au long de ses travaux Martin Roemers maniera à merveille l’assemblage des contradictions, ou plutôt, de ce qui pourrait paraître au premier abord inassociable. Ainsi il pose comme thème principal la réalisation de portrait de gens qui ne peuvent plus se voir depuis longtemps et qui par conséquent ne verront jamais le visage qu’il va fixer sur la pellicule. Un sujet grave et difficile tant dans les images qu’il produit que dans la démarche.
Pour les clichés il opte bien entendu pour du noir et blanc au rendu de circonstance, qui marque mieux les traits et confère une gravité visuelle. Il prend ses sujets de face et de très près. J’imagine avec un 50mm ou avec un objectif proche compte tenu du piqué et de l’extrême proximité que ses photographies révèlent. Il travaille exclusivement sur fond noir et choisit un format carré, ce qui permet d’obtenir des cadrages très serrés et de toucher du doigt le handicap visible mais aussi parfois invisible de ces mutilés de guerre.
Pour la méthode il présentera chaque portrait accompagné d’un entretien qu’il a lui-même orchestré. Dans chaque interview, l’intervenant décrit les circonstances qui ont occasionné sa cécité, mais aussi la vie au quotidien avec ce handicap une fois la guerre terminée. Les histoires personnelles qui accompagnent chaque portrait sont parfois insoutenables, absurdes chacun y décrit l'impuissance d’être subitement confronté à une telle amputation sans y être préparé, il faut apprendre à vivre avec. Une trace physique et psychique que chacun porte à jamais, les stigmates d’un passé inoubliable, brutal et dévastateur.
Enfin pour avoir une vision complète il élargit le sujet d’origine qui est né un 4 mai en Hollande lors d’une commémoration pour les soldats morts durant la seconde guerre mondiale. Il parcourt non seulement les Pays-Bas, mais aussi la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre, la Russie et l'Ukraine. Cela lui permet d’équilibrer son sujet et d’éviter d’en faire ce qui pourrait être pris pour un simple pamphlet anti allemand. Cette démarche globale en fait un sujet universel et intemporel contre les méfaits de la guerre. Cette série de portraits s’analyse à la fois en un travail pédagogique, en un hommage, mais également en une action de prévention pour ceux qui n’ont pas connu de telles périodes !