Un génie multicarte !
Né en 1978 à Varsovie, Andrzej Dragan obtient diverses bourses d’études à Amsterdam, à Oxford et à Lisbonne, il fait sa thèse en 2001. De 2002 à 2004 il reçoit de nombreux prix en physique et en sciences qui font encore de lui l’un des physiciens les plus respecté en Pologne. C’est en 2005 qu’il empoche brillamment un doctorat en physique quantique. Il a aussi donné de nombreuses conférences à Amsterdam, Cracovie, Glasgow, Minsk, Munich, Oxford, St. Andrews, Varsovie et Tokyo. Il travaille actuellement comme professeur de physique à l'université de Varsovie. Je fais l’impasse sur les nombreux prix qu’il a encore une fois raflés, en tant que musicien compositeur.
Mais ce qui nous intéresse ici est sa première relation avec la photographie courant 2003. Il commence assez tard puisqu’il est alors âgé de 25 ans, mais ses aptitudes très particulières seront vite révélées ! Andrzej a publié ses travaux dans des revues de 12 pays différents, notamment pour le magazine Lürzer's Archive "les 200 meilleures photographes publicitaires du monde entier" en 2006. Il reçoit de nombreuses distinctions, médailles d'or et d'argent au festival ad KTR de 2006, deux médailles d'argent et une de bronze en 2007, et deux médailles d'or, deux médailles d'argent et deux de bronze en 2008. Il a été nommé au Festival de Cannes 2006 (the Cannes Lion award) et a reçu une médaille d'argent dans le prix de droits de Corbis de 2007, une médaille d'or au Festival Golden Drum en 2007, et une de bronze dans les Epica Awards en 2007. Il est arrivé troisième dans le concours Pilsner Uruquell en 2007, et a été élu "Photographe de l'Année 2007" En Angleterre.
Très rapidement ses clichés retouchés sous Photoshop sont remarqués et séduisent le public. Ainsi il va travailler pour la communication de grandes entreprises. Sa série de clichés pour la marque Converse par exemple est très intéressante. Il a supprimé le corps de ses modèles au profit du produit, la basket devenant ainsi le second point d’intérêt après bien sûr, le visage, sa marque de fabrique ! Cela lui a également permis de pouvoir éviter le plein pied (sans jeu de mot) et ainsi de conserver les détails qu’il aime tant sur les portraits. Enfin il positionne le produit à la même échelle que sa spécialité ainsi l’un ne l’emporte pas visuellement au profit de l’autre mais au contraire, chaque élément fort vient en complément de l’autre. Amnesty International lui commande une série sur la liberté des femmes au Congo, au Honduras, en Tchétchénie. Puis il travaillera aussi pour Sony, Playstation, Xbox…
Un personnage ambigu :
Il révèlera lors d’un de ses rares entretiens une autre facette de son personnage ambigu et créatif : « Je n'aime pas prendre des photos. En fait, pour être honnête, je déteste ça. Je ne le fais que lorsque je suis sûr que j'éprouverai du plaisir. Quand je trouve un modèle suffisamment puissant pour bouleverser mon imagination. »
La mise en scène ne l’intéresse pas, contrairement à ce que le rendu final de ses prises de vue pourrait laisser croire : « Si j'ai le bon modèle et la bonne idée, la session ne dure que trois minutes. Parfois moins. Je ne suis pas dans le spectacle, ni dans le spectaculaire. Je préfère travailler dans le silence et la patience. En revanche, je suis capable de consacrer des semaines à la post-production.»
Son matériel fétiche :
Il achète son premier boîtier, un Canon G3 durant ses études en 2003. En 2004 il passe très vite à son second boîtier, toujours un Canon, l’EOS-1Ds qu’il se procure lors d’un voyage au Japon. Quand le Mark II sort au Japon il décide de rester fidèle à son matériel « périmé » comme il le dit lui-même. Tout en restant fidèle à son 1Ds, il suit les avancées qui sont faites en matière de matériel numérique. Un jour il se laisse tenter par le Mark III EOS-1Ds qu’il trouve bien meilleur dans la capture des tons et des couleurs.
Andrzej explique dans une interview pour Canon : « Parfois j'utilise un Hasselblad mais je ne le trouve pas très pratique et son autofocus est lent, donc je lui préfère le Mark III. Ce boîtier est de qualité au niveau de son capteur de cadre plein et le rendu des colories des grains de peau est excellent. D'autres APN produisent ‘une apparence plastique’ quand vous regardez les détails, donc c'est une question de goût personnel, mais je préfère le Canon. »
Il dit avoir franchi le pas du 1Ds au 1Ds Mark III à cause principalement de la résolution plus grande, mais aussi de l’interface plus agréable et plus commode. Le plus important était pour la résolution plus haute qui pouvait produire de plus grands formats. « Par exemple, quand je fais une exposition, j'utilise des tirages de 80cm, ce qui était à la limite de la tolérance du 1Ds, après quoi des artefacts apparaissaient. Avec le Mark III je peux travailler sur des détails plus fins malgré le grand format des images. »
Pour l’objectif, il utilise l'EF24-70mm f/2.8L USM qui est selon lui, la solution idéale pour faire du portrait puisqu’il combine la vitesse et la flexibilité. Il dit essayer de persévérer dans la moyenne gamme de la lentille entre f/8 et f/11. « Si j'ai une installation d'éclairage je mettrai la vitesse d'obturation à 1/125ème pour obtenir une image aiguisée. Dans la lumière du jour, 1/60ème est le minimum auquel j'irai. »
Son style devenu script Photoshop et preset Lightroom :
Dragan s’intéresse de près au visage, à la peau, aux rides, aux traits, aux plis, à la texture et à la matière humaine. Des éditeurs et des professionnels de la retouche ont fini par donner son nom à un script de Photoshop. Un peu plus récemment on retrouve également plusieurs presets Lightroom d’appellation Dragan. Parlons du style Dragan qui est difficile à décrire, néanmoins ses photos se reconnaissent au premier coup d’œil, preuve d’un photographe de génie qui a su imposer sa griffe.
Belles, puissantes et souvent dérangeantes, ses photos provoquent un ensemble de réactions ambigües et contradictoires. Le rendu est dramatique, saturé et ciselé, comme si les modèles n’étaient pas vivants mais de magnifiques sculptures. Ombres marquées, mais débouchées à l’extrême, relief exagérément accentué, brillance et luminosité poussées, teintes irréelles sont sa marque de fabrique une fois ses photos ressorties de la palette graphique.
Au fil de ses productions Dragan est peu à peu devenu un personnage incontournable dans le monde de la photographie. Pour preuve la galerie de portraits qui suit. Que cela soit en couleur ou en N&B ses portraits nous plongent instantanément dans un univers étrange, original, lumineux, grave, sombre et malsain.
L'éclairage a une place prépondérante dans ses clichés. Il est savamment dosé, étudié, et crée ainsi une ambiance tout à fait saisissante. Difficile d'y rester indifférent, d’ailleurs en général on en parle, on réagit à ses travaux, soit on aime, soit on déteste, mais rarement l’avis est mitigé. Le choix de ses modèles joue également un rôle prépondérant en cela, en effet, les traits sont marqués et renforcés par la lumière, les attitudes sont particulièrement expressives et les cadrages ne mettent pas ses sujets sous leur meilleur profil, au contraire. Une façon de partir avec un handicap, de faire d’un désavantage un avantage pour au final magnifier ce qui ne l’est pas ! Pour couronner le tout, le grand-angulaire qu’il utilise déforme les perspectives et les personnages. Encore une manière de s’affirmer en se démarquant et en ne faisant pas comme tout le monde, de beaux portraits lissés, doux et laiteux !
Enfin à la retouche il accentue encore d'avantage ces fantastiques ambiances déjà présentes dans les clichés originaux. Il a déclaré dans l’hebdomadaire polonais « Polityka » : « Certaines personnes disent qu'un bon portrait révèlera une certaine vérité sur le modèle. Je suis un peu triste de déclarer que ces gens ne trouveront rien d'intéressant dans ma photographie, qui n'a nullement un tel but. »
Des idées décalées :
Andrzej Dragan est un photographe qui maîtrise la lumière et le post traitement. Il a revisité des portraits de personnalités célèbres comme Hitler, Marilyn Monroe ou Bruce Lee. Mais son relooking n’est pas celui auquel on aurait pu s’attendre. Je parlerais ici uniquement des deux dernières, qu’il n’y ait aucun malentendu, le premier n’ayant aucun intérêt autre que celui technique. De plus cela évitera toute polémique, car là n’est pas l’objet du présent article. Je disais qu’il n’a pas dressé un portrait idyllique de Marilyn ni de Bruce, au contraire, il a préféré prendre le contre-pied. Ainsi, au lieu de présenter ces icônes sous leur meilleur angle, il les a vieillies, les a représentées comme elles auraient pu devenir sans une fin prématurée. Pour mémoire Marilyn nous a quitté à l’âge de 36 ans, tandis que Bruce mourrait à 32 ans. C’est d’ailleurs sûrement ce qui l’a poussé à s’intéresser à ces deux là, je n’en sais rien mais je l’imagine. Bref le résultat est édifiant, choquant, troublant, sombre dans l’idée et la thématique mais curieusement lumineux à la fois, un côté dramatique se dégage au final comme souvent dans son travail. Ce sont à peu près toujours les mêmes qualificatifs qui reviennent quand l’ingénu découvre un portrait d’Andrzej. Personnellement je ne suis pas fan de ces deux portraits mais reconnais qu’il a la maîtrise incroyable de la retouche et des techniques de vieillissements artificielles.
Tuto, vidéo et site pour jouer l’apprenti Dragan :
Pour terminer cette présentation et être complet, je vous propose de vous faire partager la technique que j’utilise pour m’approcher de l’effet Dragan, n’étant pas partisan du script prémâché ou du preset ‘clic-bouton’ livré clés en main.
Tout se trouve dans ce tuto Photoshop très bien fait http://quick-tutoriel.com/159-appliquer-un-effet-dragan-avec-photoshop alors inutile de refaire ce qui a déjà été très bien pensé. Enfin, voici l’adresse du site d’Andrzej Dragan http://andrzejdragan.com/ qui est hélas, bien loin d’exposer l’ensemble de son œuvre, mais qui présente de manière intéressante quelques uns de ses plus beaux portraits.
Pour faire le tour de son travail je vous conseille de faire une recherche d’images sur internet et là, vous mesurerez le travail de ce jeune et talentueux photographe contemporain qui a le don de grossir les traits du visage, obtient un piqué exceptionnel et qui choisit ses modèles comme personne !