Diane Arbus est une photographe américaine née le à New York. Elle bouscule le genre de la photographie avec ses prises de vue réalistes, dures mais d’un genre nouveau. Il y a deux manières de découvrir son œuvre, la première consiste à voir ce qui se cache derrière ses images, un peu comme je vais tenter de le faire ci-dessous. L’autre consiste à regarder ses clichés au premier degré, comme on regarderait un vulgaire « recueil de foire », tel un voyeur indélicat et en s’imaginant qu’il s’agissait du but de l’auteur. Les photographies de Diane nous renvoient directement au film « Elephant Man » de David Lynch, reste à savoir si vous voulez endosser le rôle de Bytes, le propriétaire de l'homme éléphant, ou celui du Docteur Treves ?
La vie de Diane :
Diane Nemerov est née en 1923, à New York dans une famille de la riche bourgeoisie juive, elle vit une enfance protégée, sans émotion et surtout sans surprises. Elle rencontre Allan Arbus à l’âge de 14 ans, 4 ans plus tard ils se marieront. A son retour du service militaire où il a appris la photographie, Allan l’entraîne dans la photographie de mode, lui est le photographe et elle s’occupe du stylisme. En 1946, ils ouvrent un studio de photo. Durant une dizaine d’années, ils réalisent des photographies de mode pour Harper's Bazaar, Esquire, Vogue ou Glamour. Déjà passionnée par la photo mais en manque de technique, Diane ressent le besoin d’être plus créative et de passer elle aussi derrière l’appareil. Elle suit donc des cours avec Alexey Brodovitch, Marvin Israel et Richard Avedon. Diane Arbus photographe américaine vient de naitre et commence la photographie vers 1957. A partir du moment où Diane Arbus commence officiellement à photographier, sa biographie s’accélère : des premières photographies personnelles en 1957 (elle a alors 34 ans), on passe au divorce en 1959. En 1962, elle abandonne le 24x36 pour le format 6x6 et travaille exclusivement en noir et blanc. En 1963 elle obtient une bourse de la fondation Guggenheim, une deuxième en 1966, qui lui permet notamment de travailler sur le projet « American Rites, Manners and Customs », une galerie de portraits d’américains typiques. En 1967 son travail qui est acclamé est présenté au MoMa à San Francisco dans l’exposition « New Documents ». Dépressive, le 26 juillet 1971, Diane alors âgée de 48 ans, se bourre de barbituriques et se taille les poignets ; On retrouvera son corps deux jours plus tard. Elle laisse derrière elle des œuvres à la fois étranges, dérangeantes mais profondément humaines. Elle reste encore aujourd’hui l’une des figures majeures de la photographie de portait. En 2006, sa vie inspire Steven Shainberg qui réalise le film « Fur », un portrait imaginaire de Diane Arbus, dans lequel Nicole Kidman jouera son rôle.
Ses sujets de prédilection :
Encrée dans son mal-être, elle cherche à sonder les âmes de ceux qu’elles croisent et plus particulièrement de ceux que certains considèrent comme des bêtes de foire. Le travail d’Arbus s’attache à montrer ce qui n’est pas conventionnel ; L’étrange, le différent, l'intimité, la laideur, la beauté, l'absurde et l’excentrique. Elle photographie la différence tout en lui confèrent une dimension de normalité, car on ne ressent à aucun moment du voyeurisme. Elle ne donne jamais le sentiment de se moquer de ses sujets, au contraire, elle les prend tels qu’ils sont. Ainsi nains, géants, nudistes, travestis, homosexuels, hermaphrodites, sado-maso, prostituées et malades mentaux passeront tour à tour devant son objectif. Son intérêt pour les êtres « hors-norme » la poussera de plus en plus vers des visages hideux aux larges sourires édentés, des corps atypiques portés sans honte, sans fausse pudeur. Diane Arbus brise la représentation que l’Amérique « bourgeoise » se fait d’elle-même, on peut aussi y voir une forme de revanche sur son enfance ? Certaines de ses prises de vue sont apocalyptiques et l’environnement devient aussi important que le sujet lui même, cieux lourds et chargés, ambiances glauques. Nous existons beaucoup par le regard de l’autre, et ont ressent dans ses photographies que ces gens-là sont arrachés à un quotidien beaucoup plus sombre où ils n’existent pas forcément aux yeux du monde qui les entoure. On sait aujourd’hui qu’elle pensait avoir trouvé ce qu’elle recherchait depuis longtemps dans son art. Elle avait rencontré le moment où la norme disparait enfin, le fragment de seconde par lequel le visage n’est que le reflet de l’âme. Et pourtant elle prenait le risque de mettre en scène des sujets devant qui l’on grimace, on s'indigne, de qui le bien portant se moque ! On n'a pas envie de se reconnaître dans l'autre qui est difforme, étrange ou monstrueux, alors on se protège, on évite son regard, on se moque parfois, mais instinctivement on met une distance entre lui et nous. Il est à mon avis plus facile d’être confronté à la différence en regardant une photo qu’à la différence de visu dans la rue ! Et c’est, je pense, cela que Diane avait compris, par ce support elle allait faire reconnaître ces modèles en tant que véritables personnes, en tant qu'êtres humains aux yeux du grand public. D’ailleurs ses « triplées » ou ses fameuses « jumelles » n’ont-elles pas inspiré Stanley Kubrick pour « Shining » !
Diane Arbus a pourtant commencé comme photographe de mode, (et oui !) les choses se présentaient sous les meilleures perspectives. Et puis il y a eu un radical bouleversement qui l'a finalement amenée à se détourner de cette carrière toute tracée. Elle s’est mise à figer ceux qui n'y ont habituellement pas le droit, les laissés pour compte, ceux pour qui il n’est pas dans la pratique, non seulement de croiser le regard, mais encore moins de les photographier. Et subitement elle se découvre une passion pour ces « créatures atypiques » et affirme qu'ils sont beaux et dignes d’être regardés. Mais Diane s’intéresse également aux gens ordinaires des années 60, enfants, ménagères, bourgeoises, patriotes, couples ou adolescents. Elle aura effectivement une période, durant laquelle, elle va capturer la manière dont les américains vivent réellement. La plus part sont d’ailleurs des inconnus qu’elle croise dans les rues de la région de New York. Elle prendra aussi quelques célébrités comme Jorge Luis Borges ou James Brown mais cela n’est manifestement pas ce qu’elle préfère.
Son style :
Les sujets photographiés avec son Rollei sont à la fois précis, pris de face, dans une relation frontale au photographe et au spectateur, et impersonnels. En intérieur, visages et textures sont souvent violemment écrasés par un flash très puissant qui rompt brutalement avec la tradition du portrait humaniste. Son concept photographique laisse une place forte à l’autre, ouvre la porte aux interprétations, et laisse le rôle de l’analyste à qui veut bien l’endosser. Le format carré pour lequel elle opte très vite lui offre la possibilité de se démarquer facilement des normes de base du cadrage photographique. Enfin et surtout le 6x6 permet une proximité, une intimité avec le sujet dans tous les sens de lecture. C’est le format qui respecte le plus le sujet photographié car il ne permet aucun artifice tant celui qui découvre l’image se sent proche du modèle. D’un autre côté, et ce qui peut sembler paradoxal est que j’ai l’infime conviction que Diane prends certes des instants ordinaires mais qui ne sont pas pour autant improvisés. Du moins, j’ai le sentiment d’une recherche de l’instant précis, de la prise de plusieurs clichés avec de petites différences entre chaque pose pour au final ne garder que l’image qu’elle jugera être la bonne. Une dernière remarque d’ensemble sur son travail. Diane a fait aussi pas mal de portraits en extérieur, et là on observe qu’elle relie toujours le personnage à son environnement : ville, parc, rue, chapiteau d’un cirque, etc. Dans son style, ce qui est frappant à la longue c’est cette forme d’exagération que l’on peut ressentir. Mais il faut remettre son travail dans le contexte de l’Amérique des sixties. Époque qui avait comme postulat fort que la photographie était la preuve de ce qui arrivait, du réel, le témoignage de ce qui existait.
Voici son site : http://diane-arbus-photography.com/