Assunta Modotti, surnommée Tina depuis l’enfance, est née dans une famille pauvre, le 17 août 1896 à Udine, en Italie. Son père, Giuseppe, est ouvrier mécanicien et militant d’un groupe socialiste interdit. Sa mère est ouvrière dans une manufacture de soie. D’ailleurs Assunta abandonne très tôt ses études afin de gagner de l’argent et rejoint l’usine de sa mère pour y travailler. Son père émigre aux USA avec son autre fille, tandis que Tina reste en Italie avec sa mère. Elle est initiée à la photographie par son oncle qui possède un studio photo à Udine.
Intronisation dans le monde des artistes :
En 1913, elle rejoint son père et sa sœur aux États-Unis et s’installe à San Francisco où elle travaille comme couturière. Elle y rencontre Roubaix de l’Abrie Richey, avec qui elle découvre le milieu bohème de San Francisco. En 1917, elle entame sa carrière d’actrice dans le théâtre amateur de la communauté italienne de San Francisco. Durant la même année, elle épouse le peintre et poète Roubaix de l’Abrie Richey, dit Robo. Le couple s’installe à Los Angeles. Tina fait du théâtre, devient mannequin, actrice du cinéma muet hollywoodien et rencontre le grand photographe Edward Weston avec qui elle se lie, elle sera sa maîtresse. Avec lui elle sera modèle mais aussi et de plus en plus photographe.
Découverte du Mexique :
Début 1922, à la mort de son mari, déçue par sa carrière d’actrice et encouragée par Weston, elle choisit de se consacrer à la photographie. Le couple part au Mexique, tandis qu’elle lui sert de traductrice, marqués par ce pays, ils ouvrent un studio de photographies à Mexico et y reçoivent les muralistes (Artistes faisant des peintures murales). Ils ne tarderont pas à former un syndicat d’artistes proche de l’Internationale communiste. Tina pose à l’occasion pour Diégo Rivera qui la représentera souvent sur ses fresques murales. Profondément choquée par l’extrême pauvreté du peuple mexicain, Tina fréquente assidument les milieux révolutionnaires et devient l’amie de Frida Kahlo.
Photographe et militante :
En 1924, Edward Weston rentre seul aux États-Unis, tandis qu’elle demeure sur place, administrant seule le studio. Elle commence à photographier les œuvres des muralistes d’inspiration socialiste, qui mettent en scène les travailleurs et leurs outils, les paysans et leurs coutumes. Séduite par leurs idées politiques et artistiques, elle devient la photographe préférée du mouvement. C’est aussi l’époque des magnifiques portraits réalisés avec un Graflex au cœur des rues des villes, le long des chemins campagnards, dans les rencontres des conditions misérables de tout un peuple. Son œuvre prend un caractère de plus en plus politique.
Les manifestations intéressent aussi l’œil de Tina Modotti car les déplacements de foule présentent un intérêt politique. L’idée de l’encadrement donne à voir une masse qui dépasse ce cadre et évoque la puissance. Le flou accentue le mouvement de la foule et donc le grand nombre.
Beaucoup de ses images sont orientées d’un point de vue politique, elles parlent de luttes politiques, sociales (réunion de zapatistes) ce qui n’est pas sans évoquer les Muralistes. Elle travaille par série de photographies et réalise des commandes, ces images révèlent le mythe de la révolution. Les photographies permettent de diffuser un message politique et ont une portée documentaire. Il faut garder à l’esprit que certaines de ses images sont des montages dans un but de propagande du parti, comme la femme au drapeau avec ses jolis souliers vernis et son port altier.
Les natures mortes politiques :
En 1927, elle entre au Parti communiste mexicain, année où elle réalise la photographie « Sombrero mexicain avec marteau et faucille, 1927 » qui évoque les symboles de l’imaginaire communiste et mexicain. Durant l’année suivante, elle crée une série appelée « les contrastes du Régime » pour El Machete, périodique de grand format publié par les muralistes depuis 1924. Tina Modotti y fait des mises en scène de natures mortes avec des objets ayant une valeur politique claire comme la faucille et le marteau, et y associe parfois des éléments mexicains comme la guitare et le sombrero. Elle met ainsi en avant le rôle de la musique, qui accompagne les chants révolutionnaires. La cartouchière et le maïs sont des références à la réforme agraire et à la lutte de Zapata. Publiées dans la presse de l’époque « Der Arbeiter » et « New Masses », ces images ont une dimension esthétique et politique.
Une implication de plus en plus politique :
Tina Modotti collabore à la fondation de la section mexicaine du Secours Rouge et participe dans ce cadre à la défense de Sacco et Vanzetti et adhère en 1927 au jeune Parti Communiste Mexicain. Elle publie parallèlement dans diverses revues internationales telles l’Arbeiter Illustrierte Zeitung et New Masses. Elle vit une grande histoire d’amour avec un révolutionnaire cubain, Julio Antonio Mella qui est assassiné à ses côté à Mexico, probablement par des tueurs à la solde du dictateur cubain Gerardo Machado.
Tina est jetée en prison pour tentative d’attentat contre Ortiz Rubio, le Président de la République nouvellement élu. Après 13 jours d’une grève de la faim, Tina est libérée mais expulsée du Mexique. Placée sur un bateau à destination de la Hollande, les services secrets italiens l’attendent mais avec l’aide du Secours Rouge International hollandais, elle se réfugie à Berlin où elle réalise ses dernières photos.
Elle part pour Moscou et travaille à plein temps pour le Secours Rouge international. Elle parle 6 langues et s’avère précieuse comme traductrice et lectrice de la presse étrangère. Elle accueille des délégations étrangères, rédige des articles, entreprend des voyages clandestins dans toute l’Europe, afin d’agir en faveur des prisonniers politiques. Elle travaille en 1934 au bureau européen du Secours Rouge à Paris, se lie avec Aragon et Elsa Triolet, avec Clara et André Malraux, Walter benjamin. Elle est en 1935 en Asturies où s’est déroulée une répression de l’éphémère république socialiste asturienne. En 1936 elle quitte l’URSS pour l’Espagne et travaille pour le Secours Rouge espagnol. Elle est rédactrice en chef de l’Ayuda Semanario de Solidaridad del Socorro Rojo Internacional, participe aux services médicaux du Secours rouge mais également aux activités des services secrets de l’Internationale communiste. A la défaite de la République, elle passe en France avec un faux passeport puis retourne aux Mexique où elle décède d’une crise cardiaque le 5 janvier 1942.
Voici un lien avec trois parties très intéressantes sur l’histoire de Tina Modotti : https://paragone.hypotheses.org/1282