Ses débuts :
Robert Doisneau est né en 1912 à Gentilly, en banlieue parisienne. Jeunesse grise derrière les rideaux de macramé d’une famille de la petite bourgeoisie, il apprend à 15 ans le métier de graveur lithographe à l’école Estienne. Il obtient son diplôme de graveur et de lithographe en 1929 et entre dans la vie active en dessinant des étiquettes pharmaceutiques. Un an plus tard il intègre l’atelier Ullmann en tant que photographe publicitaire. En 1931, Robert Doisneau rencontre Pierrette Chaumaison avec qui il se mariera trois ans plus tard. En 1931 toujours, il devient l’opérateur d’André Vigneau avec lequel il découvre la « Nouvelle Objectivité » photographique. Ce courant prône la prise de conscience des responsabilités politiques et le sens du devoir contestataire. En photographie, ce mouvement s'est caractérisé par sa forte dimension sociale et une volonté de représenter le réel sans fard, l'art lui sert d'arme.
En 1932, Robert vend son premier reportage photographique, qui est diffusé dans le journal « l’Excelsior ». En 1934, le constructeur automobile Renault de Boulogne-Billancourt, l’embauche comme photographe industriel, mais, il se fait renvoyer cinq ans plus tard, en 1939 du fait de ses nombreux retards. Doisneau tente alors de se lancer dans la photographie d’illustration. Il rencontre, peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale, Charles Rado, fondateur de l’agence Rapho. Son premier reportage, sur le canoë en Dordogne, est interrompu par la déclaration de guerre et la mobilisation générale. Après la Seconde Guerre mondiale, Robert Doisneau devient photographe indépendant en intégrant officiellement, dès 1946, l’agence de photographie Rapho. C'est sans doute à cette époque que se manifeste l'influence réciproque entre lui et Jacques Henri Lartigue. Il travaille alors principalement sur Paris, ses faubourgs et ses habitants : Artisans, bistrots, clochards, gamins des rues, amoureux, bateleurs, populace des halles, vendeuses, etc. Il enregistra pendant près d'un demi-siècle des milliers de portraits du petit peuple de Paris. Son ami Jacques Prévert dira de lui : « Lorsqu'il travaille à la sauvette, c'est avec un humour fraternel et sans aucun complexe de supériorité qu'il dispose son miroir à alouette, sa piègerie de braconnier. »
Ses réalisations :
Il se met alors à produire et à réaliser de nombreux reportages photographiques sur des sujets très divers : l’actualité parisienne, le Paris populaire, des sujets sur la province ou l’étranger (URSS, États-Unis, Yougoslavie, etc.). Certains de ses reportages paraîtront dans des magazines comme Life, Paris Match, Réalités, Point de vue, Regards, etc.
En 1947, il rencontre Robert Giraud, chez l'antiquaire Romi, c’est alors le début d'une longue amitié et d'une fructueuse collaboration. Doisneau publiera une trentaine d’albums dont La Banlieue de Paris, avec des textes de Blaise Cendrars, en 1949. Il travaillera un temps pour Vogue, de 1948 à 1953 en qualité de collaborateur permanent. Il est aussi ami de Jacques Yonnet et ses photos illustrent son fameux Enchantements sur Paris (Denoël-1954) devenu La ville des maléfices (Biblio).
Son talent de photographe sera récompensé à diverses reprises : le prix Kodak en 1947, le prix Niepce en 1956. En 1960, Doisneau monte une exposition au Musée d'art contemporain de Chicago. En 1975, il est l'invité d'honneur du festival des Rencontres d'Arles (France). Une exposition lui y est consacrée. Il recevra d'autres prix pour son travail : le Prix du Livre des Rencontres d'Arles pour L'Enfant et la Colombe (1979) et pour Trois secondes d'éternité en 1980, chez contrejour, le Grand Prix national de la photographie en 1983 et le prix Balzac en 1986. En 1986, le festival des Rencontres d'Arles présente une exposition intitulée De Vogue à Femmes, Robert Doisneau. En 1992, Doisneau présente une rétrospective au Musée d'art moderne d'Oxford. Ce sera la dernière exposition de ses œuvres organisée de son vivant. En 1994, le festival des Rencontres d'Arles présentait Hommage à Robert Doisneau.
Robert l’humaniste :
Devenu photographe indépendant, et bien qu’il soit quotidiennement soumis à la commande pour des raisons matérielles, il accumule les images qui feront son succès, circulant obstinément « là où il n’y a rien à voir », privilégiant les moments furtifs, les bonheurs minuscules éclairés par les rayons du soleil sur le bitume des villes. Doisneau est un passant patient qui conserve toujours une certaine distance vis-à-vis de ses sujets. Il guette l'anecdote, la petite histoire. Ses photos sont souvent empreintes d'humour mais également de nostalgie, d'ironie et de tendresse. Il est l’un des photographes français les plus populaires d'après-guerre. Il fut, aux côtés de Willy Ronis, d'Édouard Boubat, et d'Émile Savitry, l'un des principaux représentants du courant de la photographie humaniste. De son vivant ce qu'il redoutait le plus, était que l'on fasse de lui un objet de musée. Il a passé sa vie à fuir devant la gloire et son cortège d'interviews. Le « savoir rire de soi » était la qualité qu'il préfèrait chez l'homme confira t-il un jour à Sophie Lannes lors d’un entretien pour l'Express. Celle-ci aura d’ailleurs une superbe phrase à son intention : « Ne soyez pas dupes de ses clins d'œil. Quand il dit n'avoir chipé que quelques secondes à l'éternité, c'est que l'éternité, pour les photographes n'est faite que de centièmes de seconde. »
Robert Doisneau meurt à Montrouge en avril 1994. Il est enterré à Raizeux, aux côtés de sa femme. Quand il meurt, il laisse derrière lui quelques 450 000 négatifs archivés, numérotés et classés, permettant ainsi de poursuivre la création d'expositions, d'ouvrages et offrant parfois le bonheur de la découverte d'un reportage inédit. Cette œuvre racontent son époque avec un amusement tendre et bienveillant qui ne doit toutefois pas masquer la profondeur de la réflexion, la réelle insolence face au pouvoir et à l’autorité et l’irréductible esprit d’indépendance. Il déclare à ce sujet lors d’un entretien avec André Pozner pour la revue « Zoom » en 1976 : « Que ce soit dans une usine ou à l'armée, chaque fois que j'ai été enfermé, j'ai été malheureux. J'ai un besoin de liberté, et cette liberté se paie par un inconfort, il faut vraiment en avoir besoin pour la supporter ! » Doisneau nous a laissé un héritage inestimable, un témoignage des pratiques, des coutumes et des modes des années d’avant et d’après guerre. Les clichés, dont certains que l’on découvre encore aujourd’hui, sont des traces indélébiles du passé. Ils nous présentent l’industrie, la maréchaussée, l’école, la rue, l’automobile, les jeux d’enfants, les bistrots, l’occupation, la libération… Autant de sujets qui avec le recul sont de véritables documentaires de notre histoire sociale et culturelle. Pas de doute, Robert Doisneau a bien été un humaniste de son vivant, il continue de l’être après sa mort et le restera à jamais. Il est entré dans l’histoire grâce à ce qu’il s’est appliqué à construire durant sa vie entière. D’ailleurs il a dit un jour : « Toute ma vie je me suis amusé, je me suis fabriqué mon petit théâtre. »
« L'Atelier Robert Doisneau » est le site web qui lui est consacré, il est né d’une structure créée par ses deux filles, Annette Doisneau et Francine Deroudille, afin d’assurer la conservation et la pérennité de son œuvre http://www.robert-doisneau.com/fr/atelier/