Martine Franck est née le 2 avril 1938 à Anvers, dans une famille de collectionneurs belges passionnés par la sculpture. Après avoir grandi en Angleterre et aux États-Unis, Martine Franck a su combattre sa timidité et aiguiser son œil au contact des œuvres d’art dénichées par ses parents. Martine Franck passe son enfance aux États-Unis et en Angleterre avant d'étudier l'histoire de l'art à Madrid puis à l'École du Louvre. Elle racontera en 2007 au journaliste Roland Quilici que c’est en 1963 qu’elle va découvrir la photographie par hasard, lors d’un voyage en Extrême-Orient : « J’ai obtenu un visa pour la Chine et mon cousin m’a prêté son Leica en me disant que j’avais beaucoup de chance et qu’il fallait que je rapporte des images ».
Début de carrière :
Elle débute chez Time Life en 1963 à Paris comme assistante des photographes Eliot Elisofon et Gjon Mili. Elle travaille également comme indépendante pour quelques grands magazines américains comme Fortune, Sports Illustrated, le New York Times ou Vogue. En 1964, elle devient la photographe officielle de la compagnie du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine. Elle rencontre Henri Cartier-Bresson en 1966 lors de la couverture pour The New York Times des défilés de mode à Paris. Notre photographe humaniste belge va l’épouser en 1970. La même année, elle rejoint l'agence VU avant de devenir l'une des cofondatrices de l'agence Viva en 1972. Durant les années 1980, elle s'investit dans des actions sociales avec la création d'un projet en 1983 pour le ministère délégué aux Droits de la femme puis avec les Petits frères des Pauvres. Elle se focalise principalement sur les portraits d'artistes et d'écrivains et rejoint l'agence Magnum Photos en 1983.
Entre le social et le militantisme :
Dans son travail, Martine Franck était tiraillée entre l’envie de documenter, de témoigner de problématiques sociales contemporaines, et son amour pour la composition. Ce tiraillement n’est que le reflet de l’éternel débat autour du métier de photojournaliste : comment concilier l’éthique et la recherche esthétique ? Pour être photographe, il faut un bon œil, le sens de la composition, de la compassion et un sens de l’engagement", disait-elle. Ce souci pour la composition s’observe dans chacun de ses clichés, à travers lesquels on sent qu’une grande attention est donnée aux lignes, à la géométrie et aux contrastes.
Militante féministe, décorée du titre de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, Martine Franck ne photographiait pas sans s’engager pleinement, même si elle se tenait à distance du photojournalisme sensationnel et outrancier. « Tout ne se photographie pas. Il y a des moments où la souffrance, la déchéance humaine vous étreignent et vous arrêtent. Je me sens concernée par ce qui se passe dans le monde et impliquée dans ce qui m’entoure. Je ne veux pas seulement documenter, je veux savoir pourquoi telle chose me dérange ou m’attire et comment une situation peut affecter la personne concernée. Je ne cherche pas à créer une situation et ne travaille jamais en studio ; je cherche plutôt à comprendre, à saisir la réalité. J’ai trouvé dans la photographie un langage qui me convient » disait Martine Franck.
Dans l’ombre d’Henri Cartier-Bresson :
Et pourtant, aujourd’hui, elle a laissé d’importantes archives photographiques et fait partie de ces grandes chasseuses humanistes, comme Sabine Weiss. Hélas, son nom n’est pas aussi connu que celui de son mari, à l’instar d’une Gerda Taro restée dans l’ombre de son époux Robert Capa, un comble quand on sait que c’est elle qui inventa son identité artistique !
Elle part sur l'île de Toraigh en 1993 pour étudier les anciennes communautés gaëliques puis au Tibet et au Népal avec l'aide de Marilyn Silverstone pour effectuer un reportage sur le système éducatif des moines Tulku. Défendant la cause tibétaine, elle adhère avec son mari au Comité de soutien au peuple tibétain dès sa fondation en 1987. Elle disait : « Ce qui me frappe en photographie, c’est qu’il y a une envie de comprendre, de se comprendre. C’est une quête incessante de la vie ».
En 2003, elle fonde, avec le soutien de sa fille Mélanie, la Fondation, au nom de son mari, pour conserver à jamais son travail et sa mémoire. En 2003-2004, elle travaille aussi avec le metteur en scène Bob Wilson qui joue les Fables de La Fontaine à la Comédie-Française. Elle meurt le 16 août 2012 à Paris, ses obsèques ont eu lieu deux jours après dans le village de Montjustin dans le Luberon où elle rejoint son mari Henri Cartier-Bresson en terre.
Le site commun de Martine Franck et d’Henri Cartier-Bresson est consultable en suivant ce lien https://www.henricartierbresson.org/martine-franck/