Le commencement :
Jacques Henri Lartigue est né en 1894 dans une famille aisée de la grande bourgeoisie de Courbevoie. Il prend ses premières photographies dès l’âge de six ans avec l’appareil de son père, -Son piège à œil- comme il le nommait lui-même photographe amateur. Puis à l’âge de sept ans son père lui offre son premier appareil, une chambre 13 x 18 cm sur un trépied de bois.Dès dix ans, il photographie ses jeux d’enfants, ses proches, les courses automobiles, les premiers vols d’avions, de nombreuses manifestations sportives, ses voyages, les vacances en famille et surtout les inventions de son frère aîné, Maurice, surnommé Zissou… Les deux frères sont passionnés par l’automobile, l’aviation et tous les sports alors en plein essor. Jacques les enregistre grâce à son appareil photographique. Il continuera adulte à fréquenter les manifestations sportives et à pratiquer lui-même quelques sports réservés à l’élite : ski, patinage, tennis, golf... Lartigue réalise ainsi plusieurs milliers de photographies, collectées dans de grands albums, qui sont encore aujourd’hui, un véritable film de son temps, sur sa vie et sur celle de ses proches.
Une passion pour le mouvement :
Il est surtout passionné par le mouvement et produit quelques clichés intemporels comme ceux que j’ai choisi de vous faire partager et découvrir au cas où vous ne les connaitrez pas déjà. J’aime ces photos qui traduisent superbement bien la beauté des déplacements et qui avec le matériel de l’époque représentent de véritables prouesses techniques ! Lartigue disait : « La vie c’est une chose merveilleuse qui danse, qui saute, qui vole, qui rit… qui passe ! Et cette matière animée changeante, je désire l’immobiliser, lui prendre au vol l’image heureuse d’un instant, un court fragment de temps qui signifiera désormais quelque chose d’éternel ». Un autre leitmotiv en rapport direct avec le mouvement revient tout au long de son œuvre, c’est cette véritable passion qu’il voue à la plage : « La plage, c’est l’endroit le plus immense de la terre. On peut y courir sans limite et personne ne vous crie de faire attention. Rien n’empêche plus mes yeux de voler, de voguer sans fin. » Lartigue est encore un enfant quand il écrit ses quelques lignes dans son journal intime. Accoutumé à la vie des stations balnéaires dès son plus jeune âge, il connaît le loisir de fouler l’eau de ses pieds, d’être seul sur la plage de Biarritz, de Cannes ou de Nice. Le luxe de la vie, Lartigue est gâté, chanceux, heureux. Les compositions sur la mer reviennent ainsi régulièrement dans son travail photographique.
Quand peinture et photographie font bon ménage :
En 1915, il fréquente brièvement l'académie Julian où il prend des cours de peinture, et expose ses toiles après la guerre. La peinture devient et restera son activité professionnelle. A partir de 1922, il expose dans plusieurs Salons à Paris et dans le sud de la France. Il se lie avec de nombreux artistes et personnalités intellectuelles de l’entre-deux-guerres, Guitry, Picasso, Yvonne Printemps ou encore Cocteau… Il est également un grand passionné de cinéma et à ce titre, il photographie plusieurs tournages de films de Fellini, de Gance et de Truffaut. Jusqu’au début des années 30, il mène une vie luxueuse et mondaine. Mais la fortune des Lartigue s’étiole et Jacques est contraint de trouver d’autres sources de revenus. Se refusant à travailler par crainte de perdre sa liberté, il vit chichement de sa peinture durant les années trente et quarante. Dès les années 50 et contrairement à la légende le prétendant inconnu de tous, Lartigue commence à exister comme photographe tout en continuant à peindre. La véritable reconnaissance de son travail photographique ne survient que très tard dans sa vie, en 1963, non pas en France, mais aux Etats-Unis, grâce à une exposition au Museum of Modern Art (Le MoMA) de New York et à la parution d’un portfolio dans le magazine « Life » dans un numéro annonçant la mort du président John Fitzgerald Kennedy qui fait le tour du monde. A son plus total étonnement, Lartigue devient du jour au lendemain l’un des grands noms de la photographie du XXe siècle. Il est alors âgé de 69 ans et déclare à propos de son œuvre : « Je ne suis pas photographe, écrivain ou peintre : je suis empailleur des choses que la vie m'offre en passant ».
Un legs inestimable :
« Depuis que je suis petit, j’ai une espèce de maladie : toutes les choses qui m’émerveillent s’en vont sans que ma mémoire les garde suffisamment ». constate Lartigue dans son journal en 1965. Émerveillement et mémoire qui flanche, passion pour la vie et blessure secrète devant l’impermanence des choses, il ne lui en faut pas plus pour glaner et collectionner pendant 80 ans des milliers d’instants fugitifs dont il saura nous montrer la beauté. Ses livres « Album de famille » et « Instants de ma vie » paraissent trois ans plus tard et le font connaître dans le monde entier. Par la suite Lartigue se consacre à la photographie de magazine et reçoit de nombreuses commandes, notamment la photographie officielle de Valéry Giscard d’Estaing alors président de la République en 1974. Il avait d’ailleurs commencé cette expérimentation de la photographie esthétique qu’il a toujours plus ou moins poursuivi entre les années 1925 et 1945, avec des cadrages serrés sur les visages sublimes de Bibi, de Renée ou de Florette, ses trois femmes, ses trois muses. En 1979, il lègue à l’État français l’ensemble de son œuvre photographique, il est le premier photographe français à le faire. Il meurt en 1986 à Nice, il avait 92 ans en laissant Il laisse plus de 100 000 clichés, 7 000 pages de journal et environ 1 500 peintures. Mais le véritable trésor laissé après sa mort est son journal intime qu’il a alimenté toute sa vie, de 1902 à 1986, doublé de 135 grands albums de ses photographies mises en pages et légendées par ses soins, journal en images qui couvre le XXème siècle avec quelques 14 423 pages. C’est un véritable témoignage historique inestimable qui nous compte l’évolution des mœurs, de l’industrie, des loisirs et des activités de la bourgeoisie sur près d’un siècle !
Pour plus d’informations sur ce grand monsieur du noir et blanc, on peut voir cette vidéo extrêmement intéressante sur un entretien avec le journaliste Claude Fleouter. Cette vidéo date de 1972 et dure une vingtaine de minutes : http://www.rts.ch/archives/tv/divers/camera-temoin/3437211-Jacques-Henri-lartigue.html. Enfin voici le site officiel de Jacques Henri Lartigue : http://www.lartigue.org/