L’Afrique Orientale en noir et blanc :
Nick Brandt est un photographe britannique qui est né à Londres où il grandit, il a étudié le cinéma et la peinture à l’École St Martins d'Art. Il vit aujourd’hui à Topanga, en Californie. Son œuvre témoigne d'une extrême intimité avec les animaux d'Afrique Orientale. Il a un talent indéniable qui fait de lui une figure à part dans le monde des photographes animaliers de la faune sauvage.
Les portraits noir et blanc d’une grande beauté figent ces miracles de la nature pour l’éternité. Au point que l’on a l’impression que les images datent d’une centaine d’années. Sentiment accentué par le travail de retouche. Le décor paraît souvent surréaliste, noyé dans le flou, adouci ou brûlé. Lions, léopards, guépards, éléphants, zèbres surgissent de cette ambiance crépusculaire. Comme s’ils vivaient en dehors du monde. Ce qui l'intéresse en définitive, ce n'est pas l’aspect documentaire ou l'action et le spectacle dominent comme c'est souvent le cas dans ce domaine photographique. Il veut au contraire simplement montrer des animaux dans leur quotidien, des animaux en train de vivre dans leur environnement avant qu'ils ne cessent d'exister, à l'état sauvage en tout cas. Il déclare à ce propos : « Mes images sont effrontément idylliques et romantiques, elles tendent à montrer une sorte d'Afrique enchantée, elles sont mon élégie à ces créatures superbes, à ce monde d'une beauté déchirante qui s'évanouit peu à peu, et disparaît tragiquement, sous nos yeux. »
Peu de photographes se sont intéressés à la photographie d'animaux sauvages sous l’angle retenu par Nick. L'accent étant généralement donné sur la recherche dramatique des animaux sauvages en pleine action, en capturant des instants spectaculaires. La plupart des photographes optent pour figer les animaux de la savane lors de combats, de courses, de sauts en recherchant fréquemment filés ou flous de mouvements. Au contraire Nick a choisi de retenir les instants les plus simples, les plus naturels et capte ces animaux au repos, pendant qu’ils s’abreuvent ou quand ils se prélassent à l’ombre du soleil cuisant.
Mais on peut se demander pourquoi prend-il presque exclusivement ses clichés en Afrique Orientale ? A cette question il répond qu’il est persuadé que les animaux là-bas ont quelque chose de profondément iconique, mythique et mythologique même, en comparaison à ceux de l'Amérique du Sud ou de l’Arctique. En outre, il y a selon lui surtout l’influence de l’environnement qui joue une part prépondérante dans ce choix. L’ambiance, l’émotion exaltante et touchante des plaines de l'Afrique orientale, ces étendues immenses, vertes, énormes et ponctuées d'acacias donnant un cadre graphiquement parfait.
Matériel, technique et méthode :
Passionné par la faune sauvage, Nick Brandt a réussi à imposer son regard singulier dans un domaine où la concurrence est féroce. Les amoureux de la savane africaine vous parleront des espaces, des cieux et des couleurs qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Il l'immortalise pourtant en Noir et Blanc, on parlerait de "niveaux de gris" en photographie numérique. Côté technique, Nick travaille avec un moyen format argentique, le Pentax 6x7 et son objectif 105mm F2.4 à focale fixe. Il n’utilise donc pas de téléobjectif, même pour immortaliser des lions, il a effectivement comme parti-pris de shooter au plus près ses modèles, à pied ou en voiture, il veut saisir ses sujets dans leur intimité. Il s’approche jusqu'à n'être plus, souvent, qu'à quelques mètres des animaux. La raison est qu’il veut inclure dans ses compositions autant de ciel et de paysage que possible et ainsi immortaliser ces animaux dans leur contexte, dans leur environnement.
Avec cette méthode, les photos retiennent tant de l'atmosphère de l'endroit que des animaux eux-mêmes. Et étant au plus près des modèles cela leur confère un sens authentique et intime. Il confit avoir souvent l'impression qu'ils se présentent d'eux-mêmes, qu'ils posent volontairement comme lors d’un portrait studio. On peut donc comparer son mode opératoire à celui d’un portraitiste. Il a d’ailleurs déclaré dans une interview : « Je veux cadrer les animaux dans leur environnement, dans leur monde. Je veux éprouver un vrai sentiment d’intimité avec chacun d’eux […]. Je crois que cette proximité est pour beaucoup dans la capacité du photographe à révéler la personnalité de son sujet. On ne fait pas le portrait d’un être humain au téléobjectif, à trente mètres, en imaginant rendre un peu de son âme. »
Nick Brandt se contente souvent d’appliquer les règles de base de la photographie, il profite souvent des points chauds et crée ainsi une mise en valeur naturelle renforcée de ses modèles. Le noir et blanc accentue les détails les moins perceptibles à l’œil en environnement coloré. La marque de Brandt est l’utilisation quasi systématique d’effet de flou au post traitement qui augmente encore un peu plus l'illusion de profondeur en accentuant l’étendue de l’arrière plan. Cette technique prisée des portraitistes a l’avantage de dégager une sensation mystérieuse et mystique, laissant le spectateur bluffé par la très forte sensation d’extrême proximité avec le sujet lui-même situé dans un espace immense.
Son parcours artistique :
Pour Nick Brandt, les animaux sont beaucoup plus que des sujets qu’il photographie. Le photographe britannique a consacré sa vie à la représentation des animaux d'Afrique et de la nature. Grâce à son APN il nous permet une intrusion intimiste dans le monde très fermé de la savane. C’est en 1995 qu'il tombe amoureux de la flore et de la faune de Tanzanie à l’occasion de la production d’une vidéo pour Michael Jackson.
En décembre 2000 il commence la photographie et en 2003 il décide d'abandonner sa carrière de directeur artistique pour se consacrer à plein temps à la photographie des animaux d’Afrique. Le travail de Brandt est unique dans son expression. Certes, ses images esthétiquement sont sublimes mais souvent elles racontent des histoires qui touchent le monde animalier. Ainsi il traite selon du braconnage, de l'empiétement des hommes sur les territoires des animaux, du déboisement et du réchauffement climatique qui menacent l'avenir de l'habitat naturel des populations animalières de l’Afrique…
Il monte de nombreuses expositions entre 2004 et 2006, il expose dans les plus grandes galeries de Londres, Berlin, New York, Los Angeles, Hambourg, Santa Fe, Sydney, Melbourne ou San Francisco. Ces lieux lui servent de véritables tremplins et l’aident à se faire connaitre auprès d’un public averti. Il publie son premier livre de photographies, "Sur cette terre" en octobre 2005, la préface est co-signée par Jane Goodall et Alice Sebold.
En septembre 2010, Brandt crée Big Life Foundation, une organisation à but non lucratif consacrée à la conservation de la faune et de la flore de l'Afrique et des écosystèmes. Les rangers tenant les défenses d'éléphants tués par des braconniers sur une célèbre série de Nick, sont passés de 22 à aujourd’hui plus de 100 grâce à cette organisation. Toutes les défenses qu’il a photographiées sur ces prises de vue appartenaient à des éléphants qui ont été tués dans les six ans avant la naissance de la fondation. Depuis lors, la présence accrue des gardes dans les zones sensibles de l'écosystème Amboseli a déjà abouti à une réduction spectaculaire du braconnage dans la région.
En 2011, dans la galerie Fotografiska de Stockholm, Brandt expose un projet intitulé "Sur cette terre, une ombre tombe". Ce projet composé de 65 photographies est également publié dans une trilogie de livres qui perpétue la splendeur de la faune de l'Afrique orientale. La partie finale de cette trilogie révèle une vision plus sombre de ce monde merveilleux qui peu à peu s’éteint sous l’emprise de l’homme. Brandt donne les raisons qui ont motivées ce travail « Pour moi, chaque créature, homme ou animal, a un droit égal à la vie. J’ai le sentiment d’être l’égal de chaque animal que j’ai dans le viseur de mon appareil. »
Voici un diaporama de ses photos : http://youtu.be/z3wDpdLxocE et son site: http://www.nickbrandt.com