Les chemins de la renommée :
Bruno Calendini est un grand passionné depuis sa tendre enfance par la vie sauvage, petit il collectionnait des fiches cadeaux sur les espèces animales. Il a toujours été également grand lecteur des magazines et les livres animaliers. Il passait des heures devant la télé à rêver devant les émissions animalières comme « Camera au poing », « Les animaux du Monde » ou devant la Calypso du Commandant Cousteau. Plus tard, cela va lui rester, il enchaine sur des reportages du National Geographic, des cassettes support que les moins de vingt ans … puis aujourd’hui les DVD bien sûr. Fatalement toutes ces heures le marquent, mais il faut bien l’avouer, car en fait c’est assez rare, lui a persévéré et a fait son métier de sa passion. Il a pourtant découvert la photographie vers ses vingt printemps, donc assez tardivement, grâce à un ami qui se déplaçait rarement sans son boîtier. Un jour il posé son œil sur le viseur et a immédiatement été séduit par l’objet et par ce que l’on pouvait en faire. Il investit tout son temps et ses économies dans la photo et travaille exclusivement en argentique. Il démarre avec un Olympus OM10 et un 50 mm, il apprend essentiellement dans des livres, des magazines et en échangeant aussi avec des copains. Un jour (quand exactement, je n’ai pas réussi à le savoir) il prend la résolution de devenir photographe et d’en faire son métier. Il a la chance de trouver un job d’assistant dans un studio publicitaire en Bretagne. Le photographe dont il est l’assistant est Nikoniste, il le devient également ce qui lui permet de lui emprunter ses optiques.
Durant cette période il découvre également le moyen format, la chambre photographique, les éclairages artificiels, l’étude des lumières complexes, l’aspect commercial du métier et la rigueur dont il faut faire preuve face à des clients exigeants. Un an plus tard il file à Paris pour continuer l’aventure en freelance. A cette époque, il n’arrive pas à vivre de ses images. Dès lors il entre dans une soif d’apprendre et multiplie les expériences afin d’avoir une vision généraliste la plus large possible de tous les métiers utilisant un appareil photo comme outil. Il n’a jamais souhaité se spécialiser, préférant changer d’univers et de méthodes de travail le plus souvent possible. Il ne se considère donc pas comme un photographe de pub, de mode, de presse, de studio, de portrait ou de sport, sachant qu’il a pratiqué à peu près tous ces métiers et qu’il y revient régulièrement. Il shoote pour des grands comptes (chaînes de télé, grands groupes financiers ou industriels, compagnies aériennes, agences de publicité, …) Il voyage aussi pendant plusieurs années pour des tours opérateurs et les reportages qu’il a fait pour leur compte ont été très formateurs.
Puis, après 12 ans passés à la capitale, il quitte Paris pour s’installer dans le sud de la France, au plus près de la nature, il s’intéresse à l’environnement, à la photographie animalière et à la pratique des sports outdoor. Bruno aime avant tout vivre différentes expériences photographiques dans des mondes variés. Ainsi il se nourri d’influences très diverses pendant de nombreuses années et se construit peu à peu par la pratique et l’expérience de ces différents milieux. C’est en 1996 qu’il pose les pieds en Afrique noire pour la première fois dans le cadre d’une commande pour un tour opérateur qui vendait des destinations vers le Kenya et la Tanzanie. Bruno déclare au sujet de ce souvenir encore frais : « Ce fut un choc. Je me suis alors promis de vivre d’autres expériences en photographie animalière et de fouler à nouveau le sol africain dès que j’en aurais l’opportunité. »
Le style Calendini :
Trouver son créneau dans la photographie animalière n’a pas été simple, beaucoup de naturalistes utilisent l’image pour décrire des espèces, des scènes et des comportements rares. Bruno décide donc de passer moins de temps sur le côté pédagogique de l’image mais à l’inverse de se fixer comme but la création d’images artistiques. Les animaux sont ses modèles, il les fige sur la pellicule ou les enregistre sur sa carte en tentant de capter leur « personnalité ». Il met en avant l’esthétique et l’originalité en misant sur la composition graphique, l’ambiance dramatique, l’angle original, le cliché inattendu ou la situation humoristique… Comme d’autres photographes animaliers Calendini compare le portrait animalier à celui des humains, finalement les seules différences étant les règles de prise de vue et les risques qu’il prend face à son sujet. Ensuite la tonalité sépia des images de Bruno marque à la fois son style, reconnaissable au premier coup d’œil pour celui qui connait un peu le monde de l’image animalière, et un côté désuet ou nostalgique qui nous empêche de situer ses clichés dans le temps. Voici un extrait d’une interview dans laquelle Bruno décrit les raisons de ce choix de tonalité : « Depuis toujours, j’aime les tons sépia. En argentique, je passais déjà des heures au labo à faire des bains au sulfure dans des odeurs d’œuf pourri pour retrouver ces tons chauds sur mes tirages. J’ai beaucoup utilisé ces couleurs en portrait, en mode et même en sports outdoor. Après quelques tests, je trouvais que ça fonctionnait aussi très bien avec des images d’Afrique. J’aimais aussi l’idée de faire des photos à l’ancienne avec des outils numériques de dernière génération : une espèce d’hommage aux explorateurs-photographes du début du 20ème siècle, pour qui les boîtiers numériques tropicalisés et les logiciels de retouche n’ont jamais existés, même dans leurs rêves les plus fous. Enfin, j'ai choisi le sépia pour rappeler que ces animaux sont menacés par les activités humaines et qu’il faut en tenir compte, sous peine de n’en garder que des photos jaunies. On me demande souvent si cet effet sépia est difficile à obtenir. La réponse est non. Je vais toujours au plus rapide lorsque je retouche car je passe déjà bien trop de temps sur mon ordinateur. J’utilise photoshop et capture NX. Je désature simplement mes images et je leur applique des tons rouges et jaunes par la balance des couleurs. Ensuite, comme on pourrait le faire sous un agrandisseur avec des badines et des cartons percés, je joue sur la densité et les contrastes.
Pour la photographie animalière, Bruno utilise un Nikon D2X, c’est comme il le dit lui-même, son fidèle compagnon de brousse. Son coefficient multiplicateur de 1,5 transforme ses focales longues en super téléobjectifs, ainsi son 200-400 f/4 VR stabilisé, devient un 300-600 f/4… une focale juste fantastique pour le safari ! Il utilise parfois aussi d’autres focales comme par exemple le 10,5mm fish-eye. Pour le magazine et site Web « Le Monde de la Photo », il a testé différents reflex dans le cadre de reportages. Il se laisse peu à peu séduire par le plein format, tombé sous le charme des nouvelles générations de capteurs pour leurs résultats extraordinaires en très hautes sensibilités.
Un livre, une expo, un succès :
En novembre 2008, on trouve dans les bacs « Sauvages », un livre animalier d’un genre nouveau, né d’une aventure totalement improvisée (ou presque). Tout commence en 2004 quand un magazine décide de prouver aux spécialistes de la photographie animalière que l’ère du numérique a enfin sonnée. Le but étant de démontrer qu’il était possible de sortir des tirages en grand format d’une qualité au moins comparable à la technologie argentique reconnue et prisée dans le milieu des photographes animaliers professionnels. Il est donc contacté par ce magazine et une grande marque photographique dans le but de réaliser ce projet exclusivement avec des technologies numériques et informatiques. Vu son inexpérience en photographie animalière, ses commanditaires l’avaient plutôt choisi afin qu’il apporte un regard neuf et décalé sur la faune sauvage. Cette mission représente un pari unique dans son genre car en France on n’a aucune chance d’être sélectionné pour remplir ce type de projet sans représenter le profil idéal du spécialiste expérimenté. Il part donc presque trois semaines au Botswana et se met au travail sur les berges de l’Okavango, le fleuve qui ne trouve jamais la mer. Chaque année, les crues de cet immense cours d’eau inondent le désert du Kalahari, sculptant un delta intérieur de quinze mille km² où se développe un biotope exceptionnellement riche, théâtre de grandes concentrations animales. Mais ce merveilleux site est menacé ! Depuis sa source en Angola, puis en Namibie et jusqu’au Botswana, l’or bleu de l’Okavango est au centre de nombreux projets qui pèsent sur l’avenir du delta (barrages hydroélectriques, dérivations d’eau potable, irrigations, exploitations minières…) Cet état des lieux inquiétant et révélateur de la fragilité des grands écosystèmes orienta le travail de Bruno.
Lorsqu’en 2005 il expose ce reportage animalier au Festival de Montier en Der, référence de la photographie animalière et de nature, c’était bien un genre nouveau qui allait naitre en France. Sur 45 expositions présentées en couleur celle de Calendini était la seule en noir et blanc. En plus des tons sépia, il avait également ajouté quelques ingrédients inhabituels et surprenants matière de ce qui se faisait en photographie de nature. On découvre ainsi des clichés pris au fish-eye, d’autres déclenchés à la télécommande et aussi des cadrages étonnants dont le contenu graphique était le centre et le seul intérêt de l’image comme un animal coupé en deux. Une démarche qui se voulait avant tout esthétique, mais aussi un moyen de rappeler encore le déclin annoncé des grands sanctuaires sauvages. Son projet est unanimement jugé novateur et audacieux. Résultat, le lendemain de l’accrochage, un éditeur propose la réalisation d’un livre sur ce travail, offre que Bruno décline, ne s’estimant pas prêt. Cependant les réactions du public et des médias très positives font que l’idée va commencer à germer. Quelques reportages plus loin au Kenya, en Tanzanie et à Madagascar, de nouvelles images sont venues enrichir cette collection et le contenu était enfin là. Un book pour en faire la promotion auprès des éditeurs était même réalisé. Fort de cette prospection « Cacimbo » et « Le Monde de la Photo » se proposent pour coéditer le livre. Les photos de Calendini nous regardent. Les panthères, les lions, et autres espèces sauvages, ou plutôt leurs derniers représentants parqués dans les grandes réserves africaines, passagers de notre histoire regardent l'orgueilleuse humanité droit dans les yeux. Bruno Calendini photographie ces animaux à la manière d’un portraitiste, réussissant à les immortaliser sous des angles inattendus, liés au moment et au comportement de l’animal saisi dans une vérité qui nous apparaît tragique. Il n’est pas tant question de l’apprivoiser que de faire en sorte de rendre compte le plus fidèlement possible de l’attitude de l’animal. Il est pris sur le vif dans son habitat naturel de toute beauté que nous partagions il y a encore peu.
Voici les sites de Bruno Calendini que je vous recommande vivement : http://www.vision-sauvage.com/ et http://www.calendini.com/