Philip Jones Griffiths est un photographe gallois né à Rhuddlan en 1936. D'un père employé d'une société ferroviaire et d'une mère puéricultrice, le jeune homme suit des études de pharmacologie à Liverpool. Il fait des petits boulots à Londres, comme celui de veilleur de nuit, tout en travaillant à temps partiel comme photographe pour le "Manchester Guardian". Il a commencé à travailler à plein temps, en 1961, comme photographe pigiste en freelance pour « l'Observateur ». En 1962, il couvre l’après guerre d’Algérie, son premier grand sujet dans lequel il témoigne des premiers pas d’une jeune république, à travers des clichés d’une reconstruction difficile d'un pays meurtri, au lendemain du départ des Français. Puis il va séjourner en Afrique Centrale et notamment en Zambie et au Zimbabwe.
Le Vietnam :
En 1965 il part pour l’Asie avant d’arriver au Vietnam en 1966 où il couvre la guerre pour l'agence Magnum, il restera fidèle à cette mission jusqu’en 1971. Réduit, comme la plupart des reporters occidentaux, à opérer du côté des troupes américaines et sud-vietnamiennes, Griffiths ne tarde pas à prendre parti contre l'intervention des États-Unis en Indochine. Ses images, qui ne dissimulent rien des horreurs de la guerre, des interrogatoires de prisonniers vietcong et des souffrances endurées par les victimes civiles, ne rencontrent pas une grande faveur dans la presse outre-Atlantique. D’ailleurs Magnum n’arrive pas à vendre ses images aux magazines américains, car elles sont presque exclusivement concentrées sur les souffrances du peuple « ennemi ». Effectivement, le point de vue personnel du reporter sur ce conflit se reflète dans ses photographies, il présente ce carnage comme la poursuite de la politique coloniale européenne. Toutefois, il obtient un scoop vendable aux américains durant cette période en photographiant Jackie Kennedy en vacances au Cambodge. La vente de ces images lui a permis de poursuivre la couverture de la guerre du Vietnam et de publier « Vietnam Inc. » en 1971, avec « Inc. » pour « Incorporated », c'est-à-dire l’équivalent de Société Anonyme. Rare et très recherché, ce livre va devenir l’un des grands classiques du photojournalisme. Il aura une influence majeure dans la perception américaine de ce conflit, il permettra notamment de semer le doute dans l'opinion occidentale et contribuera à mettre un terme à la guerre du Vietnam. Dans ce récit de guerre, Philip Jones Griffiths réalise la synthèse de trois années de reportage et propose l'une des études les plus détaillées jamais consacrées à un conflit. En montrant les horreurs de la guerre tout en décrivant la vie rurale vietnamienne, l'auteur oppose des arguments convaincants au pouvoir déshumanisant de la machine de guerre moderne et à l'impérialisme américain.
Philip le Baroudeur :
En 1971 il devient officiellement membre de l’agence Magnum. Il ira ensuite couvrir la guerre du Kippur avant de partir travailler au Cambodge de 1973 à 1975. En 1977 alors basé en Thaïlande, il couvre différents reportages en Asie. A partir de 1980, il devient président de Magnum à New York, un poste qu'il va occuper pendant cinq ans, ce qui constitue un record pour l’agence. « Vietnam Inc. » est réédité en 2001 avec une préface de Noam Chomsky. En 2003, Griffiths publie un livre sur « l'Agent orange - Dommage collatéral au Vietnam » suivi en 2005 de « Vietnam en temps de paix ». Des ouvrages ultérieurs ont également inclus « Dark Odyssey » datant initialement de 1996, un recueil de ses meilleures photos, traitant entre autre, de l'impact du défoliant américain, nommé agent orange, sur les générations d'après-guerre au Vietnam. Le photographe de guerre britannique a couvert des conflits durant près de 50 ans sur tous les fronts et dans plus de 120 pays. Il a poursuivi son travail pour Life ou Géo, couvrant des sujets aussi variés que le bouddhisme au Cambodge, les sécheresses en Inde, la pauvreté au Texas, la résurrection de la nature après la guerre au Vietnam ou l'héritage de la guerre du Golfe au Koweït. Plusieurs expositions lui ont été consacrées, la dernière a eu lieu fin 2005 et début 2006 aux Etats-Unis, elle s'intitulait justement « 50 ans sur le front ». En mars 2008, alors âgé de 72 ans, Philip Jones Griffiths meurt d’un cancer dans sa maison de l’ouest de Londres... L’agence Magnum conclura après sa mort « La folie humaine a toujours attiré l'œil du photographe, mais fidèle à l'esprit de l’agence, il a toujours cru en la dignité humaine et en sa capacité à se perfectionner. »
Vous pouvez découvrir une grande partie de son travail sur le site de Magnum : http://www.magnumphotos.com/