La photo chanceuse de Dillinger :
Le légendaire photojournaliste de talent américain David Douglas Duncan est décédé il y a quelques jours (en juin 2018) à l’âge de 102 ans ! Il avait pris sa retraite dans le domaine de Castellaras sur la commune de Mouans-Sartoux, dans le midi de la France. La profession vient de perdre l'un des photographes les plus influents du 20e siècle, Duncan était surtout connu pour ses photographies de combat prises pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée puis celle du Viêt Nam. Né le 23 janvier 1916 à Kansas City dans le Missouri, il est entré dans le monde du photojournalisme tout en étudiant la zoologie et l'espagnol à l'université de Miami, où il a été rédacteur en chef et photographe. Sa carrière de photojournaliste a débuté par un scoop, lorsqu'il a pris des photos d'un incendie d'hôtel à Tucson, en Arizona, alors qu'il étudiait l'archéologie à l'université voisine d'Arizona. Ses photos montraient l'un des clients de l'hôtel qui a tenté à plusieurs reprises de retourner dans le bâtiment en flammes pour récupérer sa valise. Cette photo s'est révélée encore plus digne d'intérêt lorsque dessus a été reconnu le voleur de banque ennemi public no 1 John Dillinger. La valise contenait en réalité le butin de son dernier braquage de banque dans lequel il avait abattu un policier.
Sa première guerre :
David Douglas Duncan n’était pas un photographe de guerre comme les autres, car après que les États-Unis aient été attaqués à Pearl Harbor pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’engage et devient officier dans le Corps des Marines. C’est ensuite qu’il devint photographe de guerre. De courtes affectations en Californie et à Hawaï le conduisirent dans le Pacifique Sud quand les États-Unis entrèrent en guerre. David Douglas Duncan a été chargé de couvrir les opérations menées par les Américains dans le Pacifique Sud, où il a non seulement documenté de près les batailles contre les Japonais, mais a également pris part aux combats. Blessé à plusieurs reprises, il eut à combattre contre les Japonais au cours d’un bref engagement sur l’île de Bougainville, avant de rejoindre l’USS Missouri lors de la capitulation japonaise. Il est parti couvrir cette guerre avec l'équipement essentiel classique de l’époque : casque, poncho, cuillère, brosse à dents, boussole, savon et sac à dos contenant deux cantines, un compteur d'exposition, un film et deux caméras. Il a utilisé un Rolleiflex pour couvrir la Seconde Guerre mondiale avec un 35 millimètres. Il a pris deux caméras Leica IIIc en Corée, et a dit qu'ils se sont bien relevés sous la pluie et la boue. Il utilisait souvent des objectifs Nikkor f/2-50 millimètres et f/2-135 millimètres. Interrogé en 2003 par le New York Times sur le style de ses prises de vue durant la guerre du Vietnam, il avait déclaré : « Je me suis dit que ces gars méritaient peut-être d’être photographiés comme ils sont, quand ils courent, quand ils ont peur ou font preuve de courage… Je pense avoir apporté un sentiment de dignité sur le champ de bataille. » Il est vrai que ses photos sont saisissantes de vérité ! Sous les casques, les visages sont jeunes et tourmentés, sales, tendus par les affres des affrontements. Ils sanglotent sur des amis morts. Ils regardent épuisés dans le brouillard et la pluie. Ils s’accroupissent dans un trou boueux. Avec une cigarette qui pourrait être la dernière…
Relations et ouvrages :
Grâce à son collègue et ami photographe Robert Capa, Duncan est devenu un ami proche de l'artiste Pablo Picasso. Il a finalement déménagé dans une ville près de Picasso en France et a publié 6 livres de photos sur l'artiste. Au cours de sa carrière, Duncan a également eu une relation étroite avec la marque nippone Nikon. Lorsque Duncan a visité le Japon en 1950 en tant que photographe pour le magazine Life, il a découvert les performances exceptionnelles des objectifs NIKKOR. Cela a finalement conduit à des opportunités pour les deux noms de Nikon et NIKKOR d'être reconnus dans le monde entier.
Ce photographe a publié plusieurs ouvrages réunissant ses photos. Tout d’abord « This Is War » sorti en 1951, dont les droits d’auteurs furent reversés aux veuves et orphelins des Marines morts au combat. Ensuite « Protest ! » en 1968, puis « War Without Heroes » en 1970 qui remettaient clairement en question la manière dont la guerre du Vietnam a été gérée par les différents gouvernements américains. Avec la disparition de David Douglas Duncan, un regard sur des guerres qui ont marqué le XXe siècle s’en va, laissant à l’humanité des milliers d’images immortelles que rien n’emportera.
Voici un site consacré à une partie de son travail : http://www.hrc.utexas.edu/exhibitions/web/ddd/home.html